Capitalisme, vie et mort à l’heure du coronavirus

Un texte très fort d’Alexis Cukier, philosophe: La crise en cours – qui est sanitaire mais aussi écologique, sociale, économique et politique – rend visible la puissance mortifère du capitalisme, accélère sa tendance vers l’écofascisme, et nous place, d’ores et déjà, devant cette alternative : travailler à en mourir ou travailler pour la vie ?

sur la chaine Youtube « philosopher en temps d’épidémie”:
https://www.youtube.com/watch?v=N0WNV4Yri6s
à relire dans la revue « Contretemps”:
https://www.contretemps.eu/capitalisme-vie-mort-coronavirus/

Extraits:

Rien ne sera plus comme avant. Désormais, les alternatives se poseront ainsi, ici et maintenant : le capitalisme ou la vie, travailler contraint à en mourir ou travailler librement pour la vie….

Leurs profits, nos morts. En réalité, le capitalisme tue sans arrêt. Surtout dans ses périphéries, mais aussi en ses centres. À petit feu pour la plupart, mais au sens littéral et immédiat aussi, et en masse. Ce monde du capital a émergé et s’est toujours maintenu dans la violence et la guerre, par des hécatombes : les morts de la colonisation de l’Amérique, de la traite négrière, des colonisations et guerres coloniales en Afrique et en Asie, des guerres mondiales – qui se sont comptés, pour chacun de ces génocides, en millions et dizaines de millions – et d’autres innombrables guerres sans lesquelles le monde du capital n’existerait pas….

Le capitalisme ne peut fonctionner autrement qu’en détruisant la planète et la vie…

Mais qui pourra préserver la vie ? L’évidence est éblouissante aujourd’hui : ce n’est pas l’État capitaliste.

Ce sont des travailleuses et travailleurs, donc, qui soignent, réparent, maintiennent, font subsister, éduquent, rendent possible l’entraide et l’auto-organisation populaire.

Il est temps de prendre acte qu’il y a des formes de travail qui ruinent la nature et d’autres qui au contraire participent à sa régulation et son autoreproduction ; des formes de travail qui conduisent à la mort et d’autres qui préservent et développent la vie….

Ce monde d’après la crise, nous devons et nous pouvons désormais le préparer très concrètement, ici et maintenant pour demain. Et cela commence ainsi : en refusant dès maintenant qu’ici ou ailleurs, quiconque travaille à mort et à faire mourir, en mettant nos activités autant que possible au service de la vie. Et nous devons nous préparer à la suite : des grèves, des boycotts, occupations et rassemblements, des assemblées populaires, des conflits, des délibérations et décisions, de nouvelles institutions permettant une planification démocratique de la transition écologique, des évolutions révolutionnaires dans l’usage de notre temps, dans nos rapports aux autres humains et à la nature. Nous devons dès aujourd’hui y œuvrer collectivement, pour que plus jamais on ne puisse nous imposer la bourse, plutôt que la vie.

Mais demain, en tout cas, nous n’aurons plus le choix et nous devrons vivre cette alternative : travailler à la mort ou travailler pour la vie, se soumettre au capitalisme écofasciste ou mettre en œuvre un communisme écologique. Et le temps sera venu de reprendre cette bannière : la liberté ou la mort.